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La Couronne de Glace

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Message  Tiriel Ven 26 Fév - 5:04

Le froid mordant, partout. Il s'insinuait dans leurs armures, par tous les interstices, et s'accumulait en givre sur les plaques. Un givre coloré. Verdâtre, teinté de brun, les liquides corporels des morts-vivants parvenaient même à geler, ici, dans les premières salles de la Citadelle de la Couronne de Glace. Et le sang. La pellicule rosée et glacée s'accumulait déjà par endroit, solidifiant les vêtements, restreignant les mouvements.

Les cadavres deux fois morts s'empilaient, les ossements et reliquats de chairs putréfiées emmêlés dans un fatras immonde qui menaçait de recouvrir entièrement le sol de la place forte maudite. Les croisés et leurs alliés avançaient péniblement, salle après salle. Loin derrière eux, à l'entrée de la citadelle, les portes enfoncées par le bélier de siège de la Croisade continuaient de déverser leur flot de chevaliers, certains venant en renfort, d'autres se repliant peu à peu sous la pression des hordes de la Liche. Partout, le fracas. Les cris des vivants, les gargouillements et sons rauques des morts, le choc des lames, le bruit emplissait l'air en un vacarme assourdissant.

Ibräm avançait, pesamment, engoncé dans son armure. Il avait laissé de côté son équipement de soigneur, et se concentrait à présent en tête de groupe, à retenir les sbires de la liche sur lui pendant que les autres croisés concentraient leur feu vengeur à les détruire. Les croisés, et Pri. Elle était venue, se tenait à ses côtés, ravageant chair putréfiée et os moisis, moissonnant son lot d'ennemis. Cela faisait un moment que le sourire d'extase qui l'habitait ces derniers temps quand elle sentait la Tourmente l'avait quittée. La mine concentrée, elle était à présent toute dirigée sur sa tâche, prélevant son tribut, une moue de dégoût parcourant occasionnellement son visage et ceux des autres lorsqu'ils croisaient une horreur plus repoussante que les autres.

Reportant son attention sur le colosse décharné et distendu qui se trouvait devant lui, Ibräm repris sa mélopée vengeresse d'incantations. Le bouclier luisant d'énergie et de fluides impies mêlés, il paraît les coups, les détournait, répondant d'une poussée, d'une taille, marteau spectral volant jusqu'au cœur de la monstruosité, alors que des éclats de moelle volaient tout autour de lui, projetés à chaque coups de sa compagne et des chevaliers qui les accompagnaient. D'une poussée de ses compagnons, accompagnée de traits de glace et de feu mêlés des mages de bataille, l'abomination osseuse bascula, s'effritant autant que s'effondrant alors que la magie impie du Fléau la quittait dans un râle.

La salle était nettoyée de toute présence hostile. Des clercs s'affairaient derrière la cohorte de combattants, bénissant les cadavres, tantôt les aspergeant d'eau bénite, tantôt les brûlant lorsque le risque de maladie était trop grand, s'assurant ainsi qu'ils ne se relèveraient pas une nouvelle fois. Loin au dessus d'eux, Ibräm pouvait encore entendre par moment la voix du Généralissime Fordring qui s'élevait, appelant au courage, rassemblant les troupes. Une petite escouade d'aventuriers avait fait une percée, accompagnant le Paladin. Ils semblaient proches du trône de glace, dont Ibräm apercevait le bas, bloc gelé auprès duquel ils avaient combattu le béhémoth aux multiples encéphales nommé Gargamoelle.

Jetant un œil à sa compagne, il se permit un sourire, en cet instant de répit. Elle ouvrait la bouche pour parler, lorsque ses yeux s'écarquillèrent. Levant subitement sa hache, Pri intercepta d'une charge le squelette en armure qu'Ibräm n'avait pas vu venir, alors qu'il s'apprêtait à le frapper. Ses sens de guerrier de Lumière lui étaient inutiles en ce lieux ou les deux-fois-nés pullulaient, il n'avait donc pas fait attention. Se maudissant pour cette inattention, il se mit à courir en direction de ce duel alors que le mort déviait sans peine de son bouclier une frappe exécutrice de la jeune femme.

Lançant une injonction à la chose de diriger son attention sur lui plutôt que sur elle, il se prépara à envoyer un coup de bouclier. Le coup déjà amorcé du mort-vivant déchirait l'armure de Pri alors que son attention passait sur sa nouvelle cible, la guerrière déjà effacée de son esprit, comme morte. Grognant de rage, Ibräm avança son bras pour porter son attaque de pavois. Le choc de la protection de son adversaire, le son du métal contre le métal, écu contre écu, et le craquement de son épaule. La douleur fulgurante le traversa de part en part, alors que son bras gauche refusait de lui obéir.

Les renforts, enfin. Les croisés ayant réagit au plus vite, un déluge de lames et de flammes s'abattit sur le squelette. Il s'écroula au sol, sa mâchoire à nu semblant sourire d'un rictus mauvais. A ses côtés, Pri se relevant, dents serrées, grimaçant et grognant de douleur. Le sang coulait abondamment le long de son gantelet, développant une mare à ses pieds. Comme appelés par la mort de leur compagnon, une horde de morts-vivant accourait soudain. Ibräm lâcha son bouclier dont le poids lui était désormais insupportable et se posta devant sa compagne qui maniait tant bien que mal de la main gauche son arme, conçue pour deux.

La masse grouillante d'ennemis se pressait contre leur ligne. Les chevaliers et aventuriers commençaient à faiblir, à ployer sous l'assaut implacable. Les frères commençaient à tomber de manière plus rapide, et la fatigue se lisant dans chaque mouvement des autres. L'épée d'Ibräm paraît à tout va, et il concentrait toute son aptitude martiale dans ce seul objectif. Et soudain, le calme. Les squelettes et goules, hébétés, s'étaient tous arrêtés nets devant des croisés qui profitant de ce répit soufflaient sans comprendre, l'espace de deux secondes.

Et l'enfer gelé se remit en mouvement, de la même manière qu'il s'était arrêté. La fureur et la rage des morts semblait redoubler. Quelque chose les avait poussé dans leurs derniers retranchements. Les gargouillements ineptes des cadavres ambulants s'étaient mués en cris, et les vivants reculaient désormais. Aidant Pri tant bien que mal Ibräm suivait le mouvement, ne cédant un pouce de terrain que lorsqu'il le devait. Et c'était souvent. Il lui semblait qu'ils se battaient depuis une éternité, et pourtant ils n'avaient reculé que de quelques mètres. Et toujours aussi soudainement, l'assaut ralentit, la lueur au fond des yeux des morts semblant s'affaiblir, avant de s'éteindre.

Ibräm n'osait y croire. Autour de lui, ses frères d'arme commençaient à démembrer et bruler les morts redevenus inertes, avec des murmures de joie contenue, tant la situation semblait irréelle.
Ils descendirent alors l'escalier. Fordring et les guerriers qui l'avaient accompagné dans sa percée. Il ne souriait pas, la tristesse et le soulagement se lisaient à parts égales sur leurs visages à tous.

-Mes amis... Le Roi Liche est mort.

Il dû s'interrompre devant la clameur qui rugit subitement. Les cris se répercutaient le long des couloirs, l'annonce se propageait jusqu'à atteindre l'extérieur de la Citadelle. Levant la main, le Généralissime imposa le silence.

-Vous avez combattu pour notre liberté, pour permettre au monde de vivre sans connaître la peur de ce Fléau qui nous a assailli, et aujourd'hui, vous avez triomphé. Nous avons tous triomphé. Vous avez retenu les troupes d'Arthas pour permettre à vos compagnons de rendre justice, et nous avons réussi. Les esprits de Lordaeron dormiront apaisés ce soir.

Ibräm n'en croyait toujours pas ses oreilles. La mâchoire à demi ouverte, son épaule démise appartenait à quelqu'un d'autre. Il était suspendu aux lèvres du Paladin, il n'osait pas y croire, après tout ce temps.

-Mais...Nous avons payé un grand prix, un prix terrible. Beaucoup de frères sont tombés, beaucoup de héros. Le Généralissime Fordragon lui-même, ramené à la vie par l'impie dans une vaine tentative de le faire ployer, s'est sacrifié pour nous permettre de porter le coup fatal au Traitre. Ces morts ne seront pas oubliés. Maintenant reposez-vous, Croisés. Reposez-vous, et retournez à vos familles, annoncez au monde qu'il est libre de la tyrannie de la peur.

C'était fini. Ibräm se sentait étrangement vide. Un sourire béat oscillait sur ses lèvres alors qu'il marchait en automate vers la sortie. A peine eut-il conscience d'être soigné, de presser le clerc pour qu'il s'occupe de Pri. Le Roi-Liche était mort, son pays avait obtenu une dose de justice... Mais son tourment à lui était toujours là.

Tiriel
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