[Lewen] - Démons

Installée sur une crête rocheuse, elle surplombait le bastion de la légion. Aussi loin que son regard portait sur la Vallée d'Ombrelune elle ne voyait que corruption et désolation. En contrebas, forgeron et invocateurs s'affairaient à la création de nouveaux infernaux. Elle connaissait par cœur ce manège, ce balai incessant de la légion Ardente. En silence, le Chasseur de démons attendait, guettait l'instant propice pour se jeter dans la mêlée et causer le plus de dégâts a son ennemi juré avant de disparaître.

-Tu comptes vraiment lancé un second assaut ce matin Lew?
-Oui Sildar. Le premier les a ennuyé mais pas encore assez et il faut qu'on parvienne à stopper la création de ces infernaux pour un moment.
-Tu m'a l'air bien soucieuse depuis ton retour tout à l'heure de Hurlevent. Et cette envie brusque de « manger » du démon plus que de coutume, ça ne t'arrive que lorsque tu es contrarié. Tout s'est bien passé?

Un étrange sourire étira les lèvres de l'elfe, un sourire presque mauvais et dans son regard brillait un éclat dérangeant.

-Disons que ce fut plus distrayant que prévu.

Elle détourna les yeux et les planta dans ceux de Sildar, son ami de toujours et son bras droit.

-Toujours aussi énigmatique sur tes implications auprès des humains.
-Cela vaut mieux pour tous si mes implications de chaque côté reste aussi discret que possible.
-Je te l'ai déjà dit mais, ton côté solitaire te perdras Lew.
-On n'est pas Chasseur de démons sans en payer le prix.

Elle détacha de sa ceinture le bandeau qu'elle plaça sur ses yeux et le noua derrière ses cheveux. Le regard ainsi voilé, vêtue de son armure de cuir foncé, la chasseresse de démon s'apprêtait à s'abattre sur sa cible.

-Et tu l'as déjà payé plus chèrement que d'autres.

Ses lèvres s'étirèrent à nouveau de cet étrange sourire et elle lui répondit dans un murmure

-Peut être, mais après tout, en cela, il a raison...je suis un prédateur.

Sans laisser le temps à son ami de poser une interrogation, l'elfe bondit en avant, glissa au bas de l'escarpement, dissimulée dans l'ombre puis, épées aux poings se jeta sur le porte courroux devant elle. Le démon n'eut le temps de réagir et s'écroula. Le bruit mat et sourd du lourd corps tombant sur le sol fit se tourner les regard alentours vers Lewen, bientôt rejointe par Sildar. Côté à côte, ils s'élancèrent, deux chasseur prêt à traquer leur proie favorite, la légion Ardente.


Elle affichait un air satisfait lorsqu'elle regagna la tente de commandement. Le deuxième assaut avait causé une sacrée pagaille et Lewen estimait que la création des infernaux serait arrêtée pour quelques jours grâce à la destruction d'un téléporter. Elle s'installa en attendant le retour de son ami, Sildar étant partit en premier accomplir les rituels de purification. En effet, la poussière charriée par les vents dans la Vallée d'Ombrelune était une véritable crasse. La corruption s'était insinuée partout en ces lieux et à force de respirer cet air et d'être en contact directement avec les démons cela en devenait une menace pour leurs santé. Ils s'astreignaient donc a purifier leurs corps des méfaits de la légion. Le plus dangereux de tout était le sang des démons, cause du Fièvresang, une maladie qui pouvait s'avérer fatale si elle n'était pas prise à temps.

Lewen contempla brièvement l'ampleur des dégâts, une coupure au bras, quelques écorchures, une brulure due à un trait d'ombre. Rien de grave, rien qui ne guérirait rapidement. Elle était néanmoins encore une fois couverte de cette ombre si particulière à la légion ardente. Mais serait-ce suffisamment pour recouvrir d'autres traces? Il le fallait! Absolument. Car dans peu de temps elle devrait retourner à Hurlevent pour parler à Circé et à Pri des révélations qu'elle avait obtenues de Zuidacra.

Les évènements de la nuit occupaient son esprit. Elle avait joué avec le feu pour obtenir ces informations, elle le savait, et elle fesait face aux conséquences. Elle sourit à nouveau, la situation l'amusait beaucoup. Elle s'était trouvé, en promettant son aide à Circé, un nouvel ennemi à affronter. Et bien que la menace fut d'une moindre échelle que la légion, la traque promettait d'être passionnante. Elle savait qu'elle mettait les pieds dans une sale affaire avec ces Cynwid, mais après tout, prendre ce type de risques, c'était l'histoire de sa vie.

Elle avait prit le temps de passer chez son frère, Keléan, avant de rencontrer l'Archidruide Fandrall. Allongée sur une chaise longue sur la terrasse de la maisonnée, elle profitait d'un moment de calme. Le vent frais venait caresser sa peau et jouer avec ses cheveux. Depuis combien de temps n'avait elle pas profiter d'un instant simple comme celui-ci? Trop longtemps sans doute, et les tracas des derniers jours ne mirent pas longtemps à refaire surface.

L'image d'un homme s'imposa à sa conscience. Séduisant,charismatique, paré d'une arrogance et d'une assurance renforçant son charme, mais dans les yeux un éclat particulier ou se mêlait le jeu à...autre chose. Zuidacra, c'était lui qui occupait les pensées de l'elfe, lui qui depuis leur dernière rencontre de la veille avait éveillé en elle les premiers doutes.

Lewen avait eu bien du mal à cacher à Circé et Pri les réelles implications de ses diverses rencontre avec l'hybride. Elle savait pertinemment que Circé serait en désaccord avec sa décision, et c'est pour cela qu'elle préférait le garder secret. Bientôt il leur faudrait mener l'assaut sur l'île des Cynwid, et surtout leur résister. Et pour résister à un danger elle ne connaissait pas meilleure méthode que la confrontation directe. Lorsque Zuidacra vint vers elle la première fois, le profit à tirer de la situation fut limpide pour l'elfe.

Pourtant, quelque chose dans ses propos contribuait au malaise de l'elfe. Selon lui, ils se ressemblaient. Ce même comportement de prédateur face à sa proie, cette capacité à faire fi des sentiments, user des sarcasmes et de l'ironie, vouloir la fin peu importe les moyens, ce mépris des risques et du danger, voyant presque cela comme...un jeu. Et puis, c'était sans compter sur cette ombre qui fessait un manteau sur la peau de Lewen, marque de trop longues années à combattre la légion et qui avait attisé la curiosité de Zuidacra.
Elle était forcée de constater que oui...il avait raison...ils se ressemblaient.

La rencontre de la veille avait pourtant fait perdre à Lewen de sa belle assurance. Avait elle baissé sa garde pour qu'il parvienne à fouiller dans ses songes ou était-ce autre chose? Il savait néanmoins des choses sur elle que trop peu de monde ne savait que pour que cela lui soit simplement venu aux oreilles. Il avait choisit avec attention ses mots et en parlant du père et du frère de Lewen il avait fait vibrer la corde de l'âme dans les tréfonds des regrets de l'elfe.
Pour l'affaiblir face à sa proposition? Oh cela avait fonctionné. Elle ne pouvait nier qu'elle avait été tentée par l'étonnante offre de Zuidacra : le rejoindre. Le servir en échange de quoi il lui offrirait les moyens de rattraper un temps déjà trop longtemps perdu et... bien plus.

Elle avait été tentée mais, cela aurais été le trahir... Lui... et cela elle ne le pouvait pas.

Le vent souffla à nouveau caressant sa peau. Lewen sourit narquoisement, après tout, malgré les doutes, elle était parvenue à tirer son profit de la situation.

L'attaque de l'île d'Alcaz avait été couronnée de succès et peu à peu les choses reprenaient leur place dans un étrange calme. Trop beau que pour durer, c'était certain. Zuidacra courait toujours et il y avait fort à parier qu'il se montrerait lorsque les pièces de l'échiquier lui offrirait de quoi déployer son jeu. Néanmoins, même si elle attendait, avec une certaine curiosité dissimulée, la prochaine rencontre avec l'hybride il y avait d'autres choses dont il fallait s'occuper.

Pri avait accepté Asnathgriffe et rien que cela promettait des évènements à venir. De leurs côté Rougecroc et Circé planifiaient la recherche prochaine des Cynwid qui, avec la destruction de la Matrice, se découvraient une liberté nouvelle mais potentiellement dangereuse.

De son côté à elle, les recherches sur les origines d'Amadrios l'attendaient. Elle était allée voir sa mère à Sylvanaar, et désormais elle attendait les réponses que son frère pourrait lui apporter à propos d'Elcritama Driosnate. Il devait se renseigner et lui garantir un éventuel accès aux archives du Cercle.

Comme elle l'avait fait à de nombreuses reprises ces derniers temps, elle remonta le petit sentier qui menait à la demeure de Keléan. En bordure de Darnassus, la maisonnée offrait un lieu de calme et propice au repos, et bien que le paysage n'égalait pas en son cœur la splendeur d'Orneval, elle était attaché à l'endroit. Elle poussa la porte et, instinctivement, grimpa la volée d'escalier qui l'amenèrent à l'étage ou elle s'installa à la terrasse. Allongée sur le dos, elle s'abîma dans la contemplation du ciel et des étoiles naissantes. Le vide et l'immensité, pourquoi est que cela la fascinait tant ces deniers temps? Y voyait-elle là le reflet de sa vie si...vide depuis des années. Se tuait-elle lentement et volontairement dans cette guerre effrontée et acharnée contre la légion afin de ne pas avoir à faire face à ce néant? Une phrase, parfaitement anodine, de Rougecroc qui cherchait à en savoir plus sur les elfes, revenait à son esprit. « Qu'advient il si l'un des deux meurt prématurément? » Une fêlure, une cassure dans son cœur et dans son âme que rien n'était parvenu à combler, voilà ce qu'il était advenu d'elle après que lui aie disparut. Elle avait faillit être épouse, mère sans doute un jour... mais c'était un futur révolu pour elle, et elle ne pouvait nier que voir autour d'elles des gens ivre de ce bonheur lui fessait mal. Oh, elle avait trouvé de l'affection et un rien de tendresse dans d'autre bras qui parfois encore l'entouraient dans une fiévreuse étreinte, mais...seuls ses propres pas résonnaient dans la marche résolue qui la mèneraient au bout de sa vie.

Plongée dans la douceur amère de la nostalgie de ses souvenirs et les yeux toujours perdus dans les étoiles, elle n'avait pas entendu les pas feutrés d'un patte de velours. La panthère au pelage sombre vint se placer à ses côté, mais elle et ne remarqua sa présence que lorsque les longues moustaches vinrent chatouiller son bras. Lewen sourit, voilà des années que Keléan n'avait plus tenté de la piégée de la sorte, lui, toujours vêtu de son manteau de sérieux et d'autorité.
-Je croyais que ce n'était plus de ton âge de me faire ce genre de blagues.
La panthère grogna, s'étira et dans un lent et splendide mouvement se mua en un elfe de grande taille, richement vêtu d'une longue toge du même bleu que sa longue chevelure.
-Aucun tour n'est de trop pour ramener le sourire sur le visage de ma petite sœur.
Il s'assit à côté d'elle, et passa une main sur son épaule qui affichait encore une brûlure du à une rencontre un peu trop proche avec un infernal. Keléan incanta brièvement et l'aura dégagée par ses mains fit lentement se régénérer la peau écorchée vive.
-Merci grand frère.
-Il faut bien que je m'occupe de cela sinon je sais que tu ne le feras pas. Tiens, il sortit un pli d'un pan de sa robe, voilà les informations que j'ai pu trouver sur Elcritama Driosnate. Pour le reste, tu devras t'adresser aux archivistes du temple.
-Merci pour ton aide.
Ils échangèrent un sourire et un regard complice. Keléan s'allongea alors aux côtés de Lewen, leurs yeux perdus dans les étoiles et leurs souvenirs.

Les premiers rayons du soleil eurent tôt fait de l'éveiller. A côté d'elle les braises mourantes du feu de camp crépitaient dans un dernier sursaut de chaleur. Mulgore, ils y étaient partit sur une lubie de Nathanaël, Pri, Amadrios et elle. Une idée fantasque du gnome qui avait transformé la paisible soirée en un merveilleux voyage. Les rires et les discussions futiles se succédaient dans une sensation de calme et de paix.
Seule ombre au tableau, Circé manquait. Elle s'isolait, refusant presque de partager des moments simples entre amis. Lewen avait bien essayé d'imprimer cette idée dans l'esprit de la jeune femme, qu'elle avait grand besoin de profiter de moments simples. Mais rien ne semblait y faire. Et puis après tout, ils n'avaient qu'a aller à la légion elle et Rougecroc! Pri, Amadrios et elle fessaient tout ce qui était en leur pouvoir pour lui venir en aide, et Circé se bornait à rester seule ou avec le Cynwid pour unique compagnie. Allez d'ailleurs savoir ce qui se passait? Il y avait bien une raison pour laquelle Circé s'isolait, jouait elle encore avec ses nouvelles affinités avec l'ombre? Probable, et Rougecroc ne semblait pas l'aider à retrouver le court normal d'une vie. Elle ne fessait pas confiance au Cynwid. Cela viendrait, peut être, mais pour l'instant elle s'en méfiait.

Il y avait tellement de choses qui se bousculaient, tellement d'évènements dans lequel elle n'arrivait pas à voir parfaitement clair.
Alors que Pri et Nath dormaient encore, elle alla explorer les abords du campement. Le soleil levant sur les plaines offraient un spectacle indéniable mais son regard s'en détachait pour à nouveau étirer les évènements sous chaque angle, Amadrios et l'inquisition, les Cynwid, Zuidacra... Cela fessait un fouillis dans sa tête. Elle songea à Vyc, avait il reçut sa lettre? Elle avait besoin de le voir, il avait toujours été d'un grand secours pour elle lorsque les choses manquaient de lumière.
En attendant, elle avait besoin de se vider la tête, et elle ne connaissait pas meilleur remède à cela que de laisser le chasseur prendre le dessus en elle. C'était décidé, elle prendrait la journée pour aller sur le front à Ombrelune, retrouver Sildar et les autres, voir comment les choses évoluaient et...s'adonner à une chose qui par dessus tout lui procurait un sentiment de satisfaction : la traque de la Légion Ardente.

Elle inspira profondément. Ses paupières étaient close et pourtant, elle voyait, imperceptiblement, tout ce qui l'entourait. Les ombres plus que les formes, l'énergie plus que les contours de la chair, comme si un halo spectral entourait chaque être croisant ses yeux. S'en était ainsi après tout... on n'était pas chasseur de démons sans en payer le prix. Perdrait elle un jour la vision lumineuse et colorée des choses? Elle enfouit son visage dans ses mains, des larmes qu'elle tentait de refouler venant faire briller l'éclat argenté de ses yeux.
C'était une croix qu'elle avait accepté de porter, et elle en était fier. Peu importe les remarques et les insultes que ses pairs parfois jetaient sur elle, elle s'en était toujours défier avec arrogance et élégance. Pourtant, son cœur s'était serré alors qu'elle franchissait le ponton d'auberdine, Pri Nathanaël et Amadrios avaient bien remarqué l'étrange égard que les Sentinelles lui portait, à elle... Ils ignoraient tout de ce que les siens pensaient de son ordre, leur sentiment changeraient ils s'ils venaient à l'apprendre? Eux, qui ne voyait pas les marques laissées par la légion sur son corps.

« Tu ne dois jamais avoir peur de ce que notre combat fera de toi. »

La phrase surgit dans son esprit, tel une caresse apaisante sur sa joue, l'incitant à relever la tête. Combien de fois lui avait il dit, pour l'encourager, pour la rassurer. Combien de fois avait il murmuré ces mots à son oreille alors qu'elle trouvait refuge dans ses bras, alors qu'il l'enlaçait avec force et douceur.

« Tu me manques Télonis »

Lentement, elle se releva. Ouvrant les yeux pour recouvrer la perception des couleurs elle posa son regard sur la folie qui l'attendait. Devant elle, le Temple Noir, avant cela... les portails d'invocation. Glissant parmi les ombres elle parvint à la hauteur des gardiens. Deux satyres inconscient que la mort s'apprêtait à les faucher. Les lames de la chasseresse fusèrent hors du néant, touchant chacune des cible en plein cœur. Propre, net, sans un geste superflu, Lewen s'était débarrassé du petit obstacle qui se dressait devant elle. Il lui restait encore de longues minutes avant que la prochaine patrouille n'arrive et ne donne l'alerte. C'était suffisant pour ce qu'elle avait à faire. Rapidement, elle ôta son armure. Elle lui offrait une protection contre l'ombre de la légion, mais en cet instant, cela freinerait sa recherche.

« Quoi que tu entreprenne dans ton combat, si ton cœur sais que c'est juste, va jusqu'à bout »

« Même lorsqu'il s'agit d'une folie Shan'do? Même lorsque c'est un risque inconsidéré Dalah'surfal? »

« Ash karath! »

Elle sourit, seul le souvenir de cet ordre de combat venait donc accompagner sa supplique. Elle ferma les yeux. A nouveau les spectres du monde dansant à son regard. Résolue, elle avança vers l'écran trouble et évanescent du portail. Elle s'arrêta, à la limite, elle se sentait attiré vers l'ouverture béante. Elle tint bon, refusant de basculer dans le vide, son corps baigné par la magie de l'ombre de cette fracture vers le néant distordu. Son cœur cognait, elle sentait sa pulsation sanguine battre dans chacun de ses membres. Elle se concentra pour oublier le mal être physique, ne pensant qu'a une chose ce lien, cet attache psychique qui la reliait à Télonis.

« Qui vous dit qu'il est mort? Il a peut être survécu »

Rougecroc, pourquoi avait il dit cela? Pourquoi avait il éveillé en elle un espoir fou qu'elle avait fait taire pour ne pas en mourir. Et pourtant, elle était là, elle avait succombé à cet espoir, cherchant, un signe, une trace. Cherchant, de longues minutes durant, ce lien qui s'était rompu il y avait de cela des années, lorsque le portail s'était refermé emportant avec lui Télonis Archelune.

« Lew'... Lew'! Pars! »

Elle sursauta. Non.. elle avait cru, un court instant, mais c'était bel et bien ses souvenirs qui se rappelait à elle et la ramenait vers la réalité. La patrouille ne tarderait pas. Presque à contrecœur, elle s'extirpa de la frontière du portail, enfila son armure et, jetant un dernier coup d'œil vers ce qui était sa chance et sa folie, se glissa dans les ombres pour rejoindre les abords du temple.

L'ombre...elle l'entourait, agressait ses yeux, elle avait beau les fermer cela ne changeait rien et cette douleur lancinante qui dansait dans sa tête et dans son corps! Elle avait la sensation d'étouffer, prise au piège dans cet endroit exigu aux parois d'ombre ou elle pouvait à peine se tenir debout. Elle aurait tout fait pour sortir de là mais rien n'y fesait, nul cri nul appel à l'aide nul talent ne lui apportait délivrance.

Insidieusement, le souvenir du rêve d'émeraude vint hanter son esprit, oblitérant tout autre pensée. Ce rêve... ce cauchemar dans lequel Veleriel Forteramure, son père, était enfermé. Un moment, elle eu comme l'impression de le voir devant elle. La dominant de toute sa taille, il porta sur sa fille un regard emplit de mécontentement, de mépris presque, affligé de voir son incapacité à le sauver. Lewen tomba à genoux, tête basse, elle ne put cette fois réprimer les larmes qui inondaient ses yeux. "Je suis désolée" "ne m'en veux pas" était tout ce qui passait ses lèvres mais aucun mot n'adoucit l'humeur de son père. Ce père capitf et qu'elle avait failli, qu'elle avait été incapable jusque là de sauver. Mais il n'était pas le seul qu'elle avait abandonné, Télonis Archelune, lui aussi...elle l'avait déçut, elle l'avais trahit alors qu'elle l'aimait, alors qu'elle était celle en qui il avait placé toute sa confiance.

Lewen s'effondra, enfouissant sa tête entre ses bras, elle ne put que rester là, seule face à l'ombre des heures durant, prisonnière d'un rêve qui était une torture indicible pour son corps et pour son esprit.

Un tardif réveil vint finalement la libérer de son cauchemar, recroquevillée sous les draps, le corps en sueur et aux coins des yeux, ces larmes que son rêve avait acceuillit. Pourtant... même si tout cela n'avait été qu'un rêve, même si Onironge en était responsable, la douleur que cette vision de son père et de son amant avait fait naître dans son coeur, elle, ne disparut pas comme les brumes nocturnes des mauvais rêves.

-Vous n'êtes pas enceinte Lewen.

Un poids immense s'envola de ses épaules instantanément, allégeant le goût âpre de la culpabilité qui l'avait envahie depuis la soirée de la veille. Elle souffla, fermant les yeux un instant. La prêtresse auprès de qui elle était venue trouver réponse à cette angoissante question la dévisagea, comme si elle voulait scruter son âme.

-Cette nouvelle semble vous soulager.
-Oui ma Sœur. Plus que vous ne pouvez le croire.
-Il est dommage que des filles de notre mère la Lune se refusent à devenir mère, même pour quelqu'un comme vous.

Lewen se força à lui adresser un sourire. Elle? Porter un enfant? Rien que cela était inconcevable, elle était chasseur de démons! Mais que cette conception malheureuse et inconsciente puisse devenir l'hybride d'un Cynwid c'était une folie a laquelle il aurait fallu mettre un terme.

-Peut-être, ma Soeur.
-Vous êtes en proie à des doutes qui vous ronge intérieurement. Ce supplice ce sent et est visible dans la moindre de vos expressions. Vous êtes exténuée. S'il y a quoi que ce soit que je puisse faire pour apaiser votre souffrance?
-Je crains qu'il n'y ai rien qui soit en votre pouvoir pour m'aider.

La prêtresse lui adressa un petit sourire encourageant, un rien triste.

-Vous êtes en train de vous perdre Lewen, fille d'Evalia Ombrevent. Je prierai Elune pour vous, qu'elle retrouve une place dans votre cœur et vous ramène sur son chemin.

Dans un dernier échange de regards et de politesse Lewen quitta le Temple. Allégée d'un fardeau mais toujours prisonnière de la Tourmente qu'avait insufflé Onironge et du voile de la culpabilité qui lui collait à la peau tel une récente cicatrice.

Elle avait mit Crono en danger, jouer leur avenir en ne mettant pas de distance entre eux et plus encore en ne prenant aucune précaution dans cette étreinte amoureuse qui les avait unit, pour la première fois.

Il fallait que tout cela cesse... ses erreurs mais aussi cette histoire de Cynwids. Il était temps que les choses avancent et qu'elles prennent un terme. Qu'elle puisse retrouver sa vie... qu'ils puissent avoir une vie tous les deux... sans que chaque geste ne lui soit une Tourmente douce et amère...

Trahie...dans la plus profonde partie de son être...il n'y avait d'autre mot pour exprimer ce qu'elle ressentait, ce mal être qui serrait son cœur, et cette confiance qui venait de se briser. Ils l'avaient piégé, droguée pour les rendre dociles Onironge et elle. Aucune explication, aucun mot sur ce qui se passait et le pourquoi de ce liquide empoissonnant son sang, l'empêchant de bouger. Acculée...prise au piège tel un animal blessé...craignant pour sa vie, le résultat ne s'était pas fais attendre longtemps. Le chasseur avait déferlé en elle sans qu'elle puisse le contrôler, son instinct de survie oblitérant le reste. Ils avaient vu...son corps nimbé par l'ombre, changeant l'éclat de ses yeux, et les marques de la légion faire surface sur sa peau, l'expression de son visage changé de telle façon qu'elle n'en était plus reconnaissable. Ils l'avaient vu sous cette forme...que personne ne devait voir.

Ils l'avaient piégé pour que Circé puisse modifier Onironge. Pas un signe, pas une alerte à son égard, aucune explication... N'avaient ils pas songé aux conséquences? Ils savaient qu'elle était chasseur de démons, mais que cela puisse plus mal tourner ne leur avait pas franchit l'esprit? Si elle était parvenue à résister un peu plus à cette drogue, à repousser Pri... Oh oui...elle aurait pu les tuer...

Lewen trembla à cette idée. La soirée aurait pu tourner au carnage le plus total. Et si Crono n'était pas arrivé, parvenant par ses caresses et ses regard à la calmer?

Elle se retourna entre les couvertures. La drogue empoisonnait toujours ses veines, amplifiant ce sentiment de profond mal aise...mais aussi ce sentiment de vide qui l'avait étreinte alors qu'Onironge avait quitté son corps. Tout tournait autour d'elle et porter son regard sur la voute étoilée lui donnait le vertige. Le sommeil se refusait à elle, pour l'instant, la sensation angoissante d'être observée ne quittant pas ses pensées. Crono l'enlaça, la gardant contre lui et venant déposer un baiser sur sa joue, lui murmura à l'oreille...

Je suis là Rayon de Lune, je veille sur toi

Il fessait une chaleur étouffante. La lumière du soleil de Draenor frappait les Tranchantes avec plus de dureté qu'ailleurs sur ce monde, transformant cette crête en une plaine de poussière aride. L'activité de la légion à cet endroit empirait la chose. Les gangrecanons et les infernaux parachevaient de changer le camp de forge en véritable fournaise.

Adossée dans le peu d'ombre que procurait la parois, la chasseresse de démons attendait avant de lancer un second assaut. Sa respiration était un rien courte et la poussière chargée du fiel des démons rendait chaque bouffée d'air pénible, son corps perlait de sueur mêlée de sang et des marques violacées s'étendaient sur son bras et une partie de son torse. Maudit gangrecanons... elle s'était laissée surprendre par un de leurs projectiles gangrenées alors qu'elle se débarrassait d'un infernal. Elle l'avait évité de justesse, mais... n'avait pu faire de même avec la décharge de magie. La blessure était douloureuse mais supportable. A vrai dire, ce qui la troublait, c'était ses yeux. Malgré son bandeau elle avait sentit la gangremagie s'y insinuer. Sa vision spectrale n'en était nullement affectée mais... en serait il de même pour sa vision normale? Elle soupira. Qu'elle prix paierait elle pour son erreur cette fois? Elle aurait pu l'éviter...qu'est ce qui avait troublé sa concentration pour qu'elle se fasse surprendre?

Pri et Ibräm et leur attitude qui lui semblait si étrange ces derniers temps? Ce contrat avec la garde dont elle songeait qu'elle ferait mieux de s'en tenir le plus éloigné possible? Elrandir? Qu'était il advenu de lui? Enfermé dans l'une de ces prisons miteuse de Hurlevent...Mais, qu'allaient ils lui faire? Crono avait beau avoir raison sur le fait qu' il devait payer le prix de ses actes... Elle, elle ne pouvait se résoudre à cette issue. Pourquoi s'était il rendu aussi rapidement? Il devait bien avoir un plan pour se tirer de ce mauvais pas... Malgré les différents qui les avait opposé le jeune elfe et elle, il avait été son élève et qu'elle le veuille ou non elle se sentait impliquée dans cette histoire.

La colère s'insinuait en elle tandis qu'elle ressassait les derniers évènements. Le chasseur s'éveillait après une fugitive léthargie. Elle rejeta la tête en arrière, se délectant de cette sensation délicieusement dangereuse qui affluait dans son corps. Il était temps...

Se redressant, elle agrippa ses armes. Un sourire, qui aurait parut mauvais voir menaçant, étira ses lèvres. Elle s'arrêta sur son état, les blessures récentes comme les vieilles cicatrices, son allure devait faire peur à voir. Après tout, les chasseurs de démons n'étaient ils pas respectés plus par crainte que par reconnaissance? Son sourire mauvais s'élargit en un rire silencieux. Le chasseur déferla en elle et son corps se nimba brièvement d'ombre. Elle n'était décidément pas fréquentable...

Effaçant tout autre pensée que celle qui guiderait ses lames sur ses ennemis elle avança dans le Camp de Forge Terreur...

L’eau du lac Elun’ara lui donnait cette sensation de brûler la peau nue de ses jambes. Elle se mordit les lèvres, fermant les yeux, repoussant la douleur dans un recoin de son esprit.
Sa mémoire était floue concernant les évènements de la veille, comme morcelée tel un puzzle dont on aurait soigneusement détaché et mélangé chaque pièce et dans lequel il lui semblait impossible de mettre un quelconque semblant d’ordre. Et cette douleur lancinante dans tout son corps, le feu d’ombre de la légion imprégnant chaque pore de sa peau et lui faisant l’effet d’aiguilles plantée profondément dans sa chair que l’eau pure d’Elun’ara arrachait violemment une à une…
Elle se mordait les lèvres à en saigner. Que s’était il passé pour qu’elle se retrouve dans cet état ?

-Je sais que c’est douloureux Lewen, mais attendre n’y changera rien… tu sais que c’est la meilleure chose à faire.

Il passa sa main près de son visage, effleurant sa joue, et l’attira contre lui. Elle soupira, cherchant un peu de réconfort dans ce contact et alors qu’elle se laissait doucement aller contre lui, il l’attira dans l’eau, l’immergeant entièrement.
La douleur explosa dans son corps alors que l’eau touchait son visage et les marques laissées là par son dernier combat. Elle hurla, le son étouffé par cette masse d’eau pure qui l’oblitérait, l’étouffait tant elle avait mal. Elle se débattit entre les bras de Crono qui la maintenait sous l’eau par son étreinte. Ses yeux brulaient, malgré ses paupières closes, l’eau s’insinuaient, purifiant avec violence les méfaits de la légion ardente.
Elle cherchait, tant bien que mal, à recouvrer l’air libre, que cette douleur cesse. Mais les coups et les griffures assenées à son compagnon sous l’effet de la rage qui la submergeait ne parvenaient en rien à briser l’étreinte du druide. Enfin, après un temps qui lui parut interminable, l’emprise se relâcha. Elle retrouva l’air libre et regagna la berge, ou elle s’effondra. Le peu de vêtements qu’elle portait collaient à sa peau de façon désagréable.

-Ca ira mieux dans peu de temps.

Lewen releva le regard vers Crono qui, sortit de l’eau à son tour, l’avait rejointe sur la berge. Elle posa le regard sur son torse nu, constellé de cicatrices, certaines presque effacées par les millénaires, et remarqua alors les éraflures qu’il lui devait.

-Crono je…
-Ne t’en fais pas pour ça Rayon de Lune.

Il déposa un baiser au coin de ses lèvres et l’aida à se relever. Il lui sembla que le monde tournait autour d’elle, au bord de l’évanouissement, nauséeuse, elle ne recouvra ses sensations qu’allongée dans l’une des chambres de Reflet de Lune, la douceur des draps recouvrant sa peau. Allongé contre elle, Crono dispensait ses soins puisant dans la force de la nature, apaisant l’état de sa compagne par de douces et tendres caresses.
Tout deux éprouvés, ou par la douleur, ou par l’énergie drainée par les soins, ils sombrèrent dans la quiétude du sommeil.

Des jours, des semaines, peut être des mois… elle avait perdu la notion du temps, la notion des jours qui passent, parfois même de ce qui l’entoure, tout ce qui lui reste c’est le chasseur et cette lutte millénaire contre elle-même, contre cette partie de son âme qui la rongeait.

Était elle seulement encore elle-même, elle l’ignorait, elle aurait du mourir et la seule chose qui faisait qu’elle foulait encore ce monde c’était cet instinct de survie… c’était l’âme du démon qui c’était libéré en elle de toute sa force, l’avait envahie jusqu'à l’oblitérée presque totalement.

Son corps avait été métamorphosé et elle n’avait eu d’autre choix que de fuir, le plus loin possible. Sur son corps s’étalait, plus visible que jamais, les stigmates de la légion ardente telles des cicatrices violacées vrillant sa peau, déformant ses traits. Des ailes noires, bien qu’inutilisables, venaient compléter son apparence démoniaque. Elle n’était plus vraiment Kaldorei…pas encore totalement déchue, mais l’espoir de rédemption était bien lointain.
Elle avait erré depuis Ombrelune jusqu’à une zone reculée de Zangar éloignée le plus possible des influences de la gangremagie et là elle essayait tant bien que mal de reprendre le contrôle d’elle-même.

Elle ne pouvait pas prendre le risque de rentrer en contact avec quelqu’un… Fut il du Talion cela leur aurait attiré des ennuis de la part des autorités et elle n’était pas certaine de la réaction de ses amis. La reconnaîtrait-elle seulement ainsi changée ?
Elle ne pouvait pas prendre le risque de trouver Crono, il était sans doute déjà au courant de ce qui lui était arrivé, mais chercher son aide c’était le mettre en danger, c’était le forcer à se parjurer pour elle auprès du cercle cénarien, ou lui offrir sa tête sur un plateau d’argent et elle refusait de mettre celui qu’elle aimait dans cette position délicate. Après tout… vu son état, n’importe quel druide aurait le droit, voir même raison, de l’exécuter à vue.

Elle s’isolait et se cachait du mieux qu’elle pouvait des quelques allées et venues dans ce recoin de Draenor. Elle y était parvenue sans encombre jusqu’à ce que cette présence, qui lui était par trop familière, ne vienne furtivement hanter ses pas… le temps d’une seconde.
Elle l’avait à peine décelé que la panthère était déjà sur elle et l’avait plaquée au sol, ses pattes imposantes sur ses épaules l’immobilisant, griffes au dehors et dents de sabre prêtes à se planter dans sa gorge.

-Où se trouve la Chasseresse…

Le son menaçant de sa voix s’estompa alors qu’il réalisait presque avec horreur que sa traque venait de prendre fin. La vision de sa compagne ainsi changée le décontenança pendant une fraction de seconde, mais cela fut suffisant pour permettre à Lewen, subissant toujours l’instinct primal de démon en elle, de repousser le druide et de se libérer de son emprise.

Il retomba sur ses pattes, prêt à repasser à l’attaque et l’observa alors qu’elle agrippait ses doubles lames, un genou toujours à terre mais prête à riposter. Ses doigts crispés sur la garde, sa respiration haletante elle luttait contre son instinct de chasseur lui criant de frapper avant que le druide réagisse, son cœur lui hurlant de baisser les armes.

-Lewen, ne me force pas à attaquer, tu sais que tu ferais mieux de renoncer à me combattre.
-Vraiment Crono ? Que fais-tu de ta promesse… Si tu n’es pas là pour me tuer alors pourquoi ?

Le félin pencha la tête sur le côté, semblant l’examiner un instant

-Je ne n’ai pas oublié ma promesse Rayon de Lune. Mais je ne te tuerai pas tant qu’il reste de l’espoir.

Alors qu’il prononçait ces mots il avança vers elle, reprenant sa forme originelle. Son visage était dur et pour la plupart des yeux il aurait parut fermé, mais Lewen commençait à le connaître et c’était de la douleur qu’elle lisait sur les traits de son compagnon.

- De l’espoir, comment peux-tu en être si sûr ?

Il était juste devant elle désormais et posa sa main sur son épaule. Ce simple contact la fit frémir et sans même qu’elle ait encore à lutter, ses noirs instincts s’estompèrent et elle lâcha ses armes.

-Car tu viens de me le prouver. Maintenant viens, au plus tôt tu seras en sécurité au plus tôt je pourrais t’aider à te débarrasser de cette apparence. Et je ne te laisse pas le choix.

Il la releva de force, prit ses armes et jeta sa cape par-dessus les épaules de la chasseresse, dissimulant les ailes diaphanes et ce qu’il pouvait des stigmates démoniaques.
Elle n’était pas en position pour argumenter face à Crono alors la tête basse, encapuchonnée et les yeux toujours voilés, elle le suivit sur la route qui les ramèneraient tout deux vers Azeroth.



Presque cinq mois s’étaient écoulés depuis l’incident à Ombrelune, et un peu plus de trois depuis que Crono l’avait ramenée non sans risque jusque sur Kalimdor. Elle vivait presque recluse dans une maisonnée sur les côtes de Silithus, ne quittant les lieux que lorsque ses instincts de chasseur se faisaient trop pressants, menaçant de la submergée à nouveau, alors Crono l’emmenait avec lui dans sa lutte face aux Quiraj. Le reste du temps elle le passait à la méditation, et à l’entrainement, seule ou avec l’aide du druide, à lentement remettre sa part d’âme démoniaque dans son carcan. Son corps reprenait peu à peu forme elfique, les ailes avaient disparues, et les stigmates encore visibles s’estompaient au fil des jours. Mais il lui restait encore beaucoup à faire pour faire taire ses conflits internes.

Crono avait encore du s’absenter, répondant à ses obligations de druide mais pour Lewen les journées passées sans sa présence paraissaient souvent bien trop longues. Condamnée à une certaine inactivité elle s’était allongée sur le sable, partiellement dénudée, trouvant un étrange réconfort dans la sensation du soleil réchauffant sa peau, elle qui d’habitude préférait la caresse de la lune à l’astre brûlant du jour.

Un bruissement d’ailes lui annonça que Crono était de retour et il ne fallut pas longtemps au druide pour venir s’asseoir à côté de sa compagne. Il écarta une mèche de cheveux turquoise qui tombait devant le visage de Lewen, effleurant sa joue dans un geste tendre.

-Il te reste toujours des blessures que je dois soigner Rayon de Lune.

La Kaldorei porta son regard sur son compagnon détaillant chaque trait chaque expression lisible sur son visage. Un léger sourire étirait ses lèvres mais son regard trahissait toujours un rien d’inquiétude. Elle lui sourit en retour et se redressa.

-Je sais.

Il acquiesça et prépara rapidement le linge imbibé d’eau provenant d’un puits de lune. C’était un rituel presque quotidien, mais il n’en restait pas moins douloureux et délicat ainsi il s’assura, d’un rapide coup d’œil, qu’elle était prête.

Elle ferma les yeux, inspirant profondément, prête à accueillir la douleur qui ne se fit pas attendre lorsque le tissu imprégné d’eau pure vient l’effleurée. C’était comme verser de l’alcool sur une plaie encore ouverte, une sensation de brûlure si intense que cela lui laissait l’impression que sa peau était littéralement arrachée par morceaux.
Lewen se mordit les lèvres, se retenant de crier. Elle avait beau être familière désormais avec cette sensation cela ne diminuait pas pour autant la souffrance d’une purification aussi brutale. Un gémissement franchit ses lèvres alors qu’elle ne pouvait en supporter plus et Crono retira le tissu.

-Cela suffira pour le moment.
- Rappelle-moi qu’il y aura un jour ou tu n’ajouteras pas « pour le moment »…
-Cela ne dépend que de toi Lewen.

Il replaça une mèche de cheveux turquoise derrière son oreille puis l’attira contre lui. Elle se laissa aller contre son torse, enfouissant sa tête au creux de son cou.

-Je sais… je paie le prix de mon erreur et tu en as déjà bien trop fait pour moi. Tu as pris beaucoup de risques.
-Je t’ai promis de te protéger, même si ce doit être de toi-même, je ne compte pas faillir à cette promesse.
-Me protéger de moi-même, ou protéger les autres de ce que je pourrais être capable de faire si…je perdais le contrôle pour de bon.
-Tu sais que je tiendrai ma parole. Mais n’y songe pas, pas maintenant que nous sommes ensemble et que tu vas mieux.

Il déposa un baiser sur son front et referma son étreinte autour de Lewen.

Un mois

Elle ignorait même qu'elle était enceinte, tout était parfait et... normal pour elle. Partir pour Draenor, tuer du démons jusqu’à l'épuisement, c'était facile, et elle pouvait rentrer avec la satisfaction d'avoir fait son devoir.

La scène pouvait se répéter en aidant les forces cénariennes à Hyjal, cela lui allait tout autant.

Deux mois

Elle n'y croyait pas, elle ne pouvait simplement pas croire ce que Zuidacra venait de lui révéler. Pourtant... celui lui avait fait assez douter d'elle même pour qu'elle demande à Rougecroc de Vérifier.

La confirmation de la nouvelle lui coupa le souffle. Ce n'était pas possible, elle ne pouvait pas être enceinte, cela allait contre tout ses principe, contre sa nature elle-même.
Cet enfant qu'elle portait désormais en elle... si seulement il était la triste conséquence d'un moment de passion et d'égarement dans les bras d'un homme dont elle n'avait que faire, elle aurait pu s'en débarrasser et oublier ce mauvais moment.
Mais... cet erreur, elle l'avait commise avec l'homme qu'elle aimait. Et elle ne pouvait pas faire ça à Crono. Elle ne pouvait pas lui mentir et se débarrasser de cet enfant... leur enfant. Pas sans qu'il le sache et que ce soit sa décision également.

Quatre mois

Ne plus pouvoir utiliser ses capacités, quelle qu'elle soit, ne plus pouvoir se battre... cela la rendait dingue! Sans compter les heures passées à méditer pour garder le contrôle d'elle-même, éviter à tout prix que sa nature n'atteigne l'enfant qui grandissait dans son ventre.
Et Crono qui était souvent absent. Elle lui en voulait, elle lui en voulait d'être au front à faire son devoir quand elle ne pouvait plus l'accomplir. Elle lui en voulait car, plutôt que de vouloir immédiatement qu'elle mette fin à la vie de ce qui pourrait devenir un être contre nature, il avait été heureux. Heureux d'avoir la chance d'être père à nouveau malgré les risques, pour lui ils en valait la peine.

six mois

Elle n'avait qu'une hâte en avoir finit avec cette grossesse. Être débarrassée de cet état qui était pire qu'une prison pour elle. Au moins, même en cage, elle pouvait toujours se servir de ses pouvoirs, elle n'était pas obligée de prétendre être ce qu'elle n'était pas.

Tu crois vraiment que la colère et ce genre de pensées vont t'aider à aller mieux?

Elle ferma le poing, tremblant de rage alors le linge imprégné d'eau du puits de lune, qu'il passait sur son visage, lui arrachait des grimaces de douleur.

Tu ne peux...
Que m'en prendre à moi même? Oui je sais Crono! Je le sais parfaitement. Mais tu n'as pas idée de ce que c'est pour moi, chaque jour. De ne pas pouvoir...

Il la coupa, posant un doigt sur ses lèvres.

Ne crois pas que je n'ai aucune idée de ce que tu peux ressentir comme frustration vu la situation, ou que j'y suis indifférent. Mais nous avons des responsabilités envers notre enfant, toi de prendre soin de lui, et moi de prendre soin de vous deux. Maintenant oublie ce qui s'est passé. Tu as utilisé tes pouvoirs bien que cela te sois interdit et je te l'ai dit, je te fais confiance, tu devais avoir une bonne raison de l'avoir fait malgré tout.

Elle détourna le regard, la colère ayant fait place à un étrange sentiment de culpabilité. Il la força à le regarder, posant sa main sur sa joue pour ramener son visage face à lui.

Courage Rayon de Lune, le plus long est passé.