[L'Expérience Cynwid] L'heure venue.

Les mains posées sur les lattes de bois qui constituaient le sol de son bureau. Le commandant Ingtar de Shinowaa essayait tant bien que mal de reprendre son souffle. Il n’avait pas la force de parler et encore moins celle de crier à ce qu’on arrête l’être venant de sortir, ce Charles Bessem.
Tout son corps tremblait et la sueur perlait en abondance sur son front. Ce n’est que plusieurs heures plus tard que l’intendante le retrouva. Il était glacé, cependant la température de son front obligea presque la jeune femme à retirer prestement sa main.

Et dans son regard fiévreux brûlait un aveu scellé.


Glissant aussi lentement que discrètement derrière le mobilier du presbytère, aménagé selon une apparente mode naine, la créature effectuait des mouvements craintifs et maladroits. Désemparée, celle qui était devenue le singulier instrument d’une justice de Lumière, n’était plus que l’ombre d’elle-même.
A l’instar de son frère l’Effroi, elle avait grandi trop vite et trop tôt via une méthode plaçant son sens dans une confusion des plus complètes. Le pouvoir de l’Oubli était tel qu’il l’avait affectée suite à une mauvaise manipulation de la Voie qui était la sienne.

Enfant sans Mère, élève Oubliant son Maître, Cynwid sans limite.


Épargnée du sort d’Azeroth, comme le restant de son monde, la région du Nord de Nagrand n’était pas pour autant sauve. Un mal de moindre ampleur, mais bien plus insidieux s’était répandu à la végétation entourant une petite masure perdue dans les montagnes.
Le sol avait rapidement prit une teinte olivâtre. Sur ce dernier les herbes et plantes s’étaient rabougries, devenant sombres et suintant un liquide d’une même couleur. L’odeur qui s’en dégageait abondamment était infecte. Les quelques animaux qui n’avaient pas eu le temps ou la force de s’enfuir, étaient désormais étendus à même le sol, gémissant, mourant…

La petite maison gardait porte et volets clos, plus aucune vie ne semblait animer les lieux.


Enfermé… Torturé… Puni… L’hôte qu’il avait investi avait depuis longtemps perdu son apparente adolescence, ainsi que la vie. Son monde se résumait désormais à cette boîte hermétique à l’Ombre pour avoir osé braver le Créateur.
Prostré dans un coin, le Cynwid ne bougeait plus qu’au rythme des spasmes régulier qui agitaient tout son corps noir et huileux. Plongé dans une Tourmente que même lui ne pouvait combattre.

L’Effroi avait gardé le choix, maintenant il le payait.


Ces derniers mois d’observation payaient enfin. L’amiral Tombetoile n’arborait pas le tabard de la compagnie ce jour-là. Dressé fièrement sur le pont du Lutin Chanceux, il donna l’ordre à l’équipage de commencer la mission qui était la leur. Et quel succès.
Grâce aux estimations d’ingénieux systèmes gnome, les gobelins de Kezan n’avaient pas eu la moindre chance quand le volcan entra en irruption. Beaucoup de leurs richesses et de leurs fils étaient venus grossir le butin des pirates des mers du Sud, et que le restant soit allé à la Horde ne faisait que dévoiler au grand jour où allait depuis toujours l’allégeance de ces vertes créatures.

Car la haine, elle aussi, rend aveugle.


Appuyé contre le fond d’une petite caverne des Carmines, il n’avait pas même prit le temps d’allumer un feu, lui préférant la discrétion et la chaleur de ses longues guenilles. L’essentiel de ses activités consistait dans le fait de méditer et de se nourrir de racines ou quelques insectes plus épais que d’autres.
Benjamin ou qui qu’il fût ne s’attendait pas à la venue de cet hôte indésirable, mais n’en fût pas pour autant surpris. Même coupé du Lien, Vénémion avait réussi à le retrouver. Ses pieds nus avançaient lentement alors qu’il levait sa bague d’onyx en direction de l’hybride. Sa bouche ne prononça qu’une unique phrase.

« L’heure est venue. »